La Monnaie Fiat

 

Par J.F. Beaulieu

 

Trois systèmes monétaires on existé au cours de l’histoire. La monnaie basée sur des métaux précieux (or, argent surtout), la monnaie de papier basée sur des commodités (or surtout) et la monnaie fiat (ou monnaie fiduciaire), basée uniquement sur la crédibilité du gouvernement qui l’émet. Le système monétaire contemporain en est un basé sur la monnaie fiat.

A cause de sa rareté et de sa ductilité l’or fut rapidement vu comme un matériau idéal pour faciliter les échanges et remplacer le troc. Désormais il était possible d’échanger le fruit de son travail  contre des outils, du pain, des matériaux bruts ou des services sans avoir à négocier avec de multiples personnes des contrats séparés. Pendant plus de deux mille cinq cent ans la monnaie basée sur des métaux précieux s’imposa un peu partout même si des expériences avec d’autres systèmes furent tentées à différents endroits.

La première expérience connue impliquant l’utilisation de monnaie fiat se fit sous…Néron ! Les dépenses somptueuses des empereurs Claude, Caligula et Néron avaient mis le trésor de Rome à sec. En l’an 64 Néron eut donc l’idée de diluer la teneur en argent des pièces de monnaie de l’époque. Le principe de la monnaie fiduciaire était né.

 

Une monnaie ne peut se maintenir que s’il existe une rareté relative de celle-ci pour que les utilisateurs potentiels lui assignent une valeur tangible. Dans le cas de l’or et de l’argent, il fallait prendre des risques financiers pour trouver de nouveaux gisements, creuser, acheter et nourrir des esclaves, payer des fonctionnaires et de l’outillage afin d’extraire la quantité voulue, puis fondre et purifier le minerai pour en faire des pièces. Cette opération étant coûteuse (particulièrement si la mine s’épuisait), un équilibre s’établissait et au-delà d’une certaine quantité, il n’était plus rentable pour un empereur de chercher à fabriquer de nouvelles pièces puisque leur valeur marchande diminuait avec le nombre. Admettons maintenant qu’un gouvernement dilue la teneur d’un métal précieux de 10% et y ajoute un métal qui peut être extrait à faible coût. La pièce de monnaie conserve le même nom, elle a pratiquement la même apparence que l’ancienne, mais l’empereur peut en fabriquer de 10 a 11% de plus pour pratiquement le même prix et empocher la différence puisque le commerçant est prêt a échanger la même quantité de biens qu’auparavant pour celle-ci.

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Le premier bénéficiaire est celui qui fabrique cette nouvelle monnaie, puis ses amis immédiats, soit les sous contractants ou les amis politiques qui profitent de la nouvelle manne avant que l’inflation ne se manifeste. L’argent passe de mains en mains et stimule même la croissance économique; certaines personnes ont plus d’argent à dépenser et les commerçants font de bonnes affaires avant de commander d’avantage de produits de leurs fournisseurs pour remplacer les stocks vendus. L’argent se diffuse ainsi tranquillement. Cependant un tel système se doit de retourner à l’équilibre. L’argent étant un medium d’échange, il doit représenter le nombre d’heures de travail que quelqu’un est prêt a fournir en échange de d’autres heures de travail de la part d’un groupe de personnes. Par exemple en période de plein emploi rien n’empêche quelqu’un d’occuper deux emplois pour acheter d’avantage de biens mais la plupart des individus préfèrent limiter leur consommation et se garder des heures de loisir en produisant moins. Sauf s’il y a amélioration de la productivité  ou si de nouvelles inventions viennent apporter à la richesse collective, la production de biens et services redescendra donc à son niveau initial après ce mini boom ; les prix et les salaires auront donc augmenté pour s’ajuster à la croissance de la masse monétaire.

 

Cette inflation se manifeste de diverses façons, quand le commerçant découvre qu’il peut augmenter son profit plus substantiellement en misant sur un prix plus élevé plutôt qu’un volume plus élevé, ou quand l’acheteur offre plus d’argent lorsque la production ne suit pas. Puisque l’augmentation du volume des ventes n’est pas basée sur une augmentation du rendement des travailleurs, tôt ou tard une mini récession viendra corriger le mini boom du départ ; les acheteurs ralentissent la cadence et les commerçants restent  pris avec des stocks invendus.

 

Cependant le système économique ne retourne pas totalement à son état initial.  Celui qui a émis la monnaie et ceux qui ont reçu celle-ci directement (souvent des contracteurs privilégiés) ont pu l’échanger contre des biens tangibles avant l’apparition de l’inflation. Il y a eu redistribution de la richesse. La monnaie fiduciaire permet donc de générer a volonté l’inflation, qui n’est qu’un système de taxation déguisé. Les gouvernements qui utilisent la monnaie fiat tirent un parti immense de la possibilité qu’il y a de détourner une partie de la richesse du pays d’une façon sournoise et beaucoup moins évidente que par le biais d’un système de taxation classique. Le réflexe populaire sera souvent de blâmer le commerçant  ou les spéculateurs pour la hausse des prix, parfois même certains croiront qu’il s’agit d’un phénomène « naturel » difficile à contrôler.

 

Puisque, contrairement à l’or, la monnaie fiat peut être fabriquée à faible coût elle offre des possibilités immenses mais les gouvernements ont vite compris que trop d’inflation pouvait engendrer de l’agitation sociale et mettre en péril leur pouvoir. Une faible inflation est donc préférée à une forte inflation ou à  pas d’inflation du tout.

 

Le système comporte cependant un piège. Si l’empereur a dilué de 10% la valeur des nouvelles pièces il lui en coûtera 10% plus cher (avec la nouvelle monnaie) pour nourrir ses esclaves ou payer ses fonctionnaires pour fabriquer de nouvelles pièces lorsque l’inflation aura fait son oeuvre. Il y a eu un gain  à court terme mais après un ou deux ans le coût de fabrication en heures de travail (ou en or pur) est le même. S’il faut aller chercher de l’argent supplémentaire par le biais d’une taxe déguisée, la teneur en or ou en argent sera donc réduite de nouveau afin de fabriquer d’avantage de pièces. C’est ce que plusieurs empereurs romains firent. En l’an 274 sous Aurelius la pièce d’argent ne contenait plus que 5% de ce métal et 95% de cuivre. Ce déclin se poursuivit jusqu'à la chute de l’empire.

 

La monnaie de papier en Chine

 

Pendant plusieurs millénaires les chinois ont utilisé des métaux bon marché pour fabriquer des pièces de monnaies. Cependant l'utilisation de métaux comme le fer ou le cuivre ainsi qu'un poinçonnage grossier favorisèrent la contrefaçon.

Grâce au papier, les chinois de l’an 1000 améliorèrent le système mieux ; il était beaucoup plus pratique d’échanger des morceaux de papiers difficiles à contrefaire. Naturellement le système n’apporta pas de catastrophe économique au début. Une quantité limitée de cette monnaie fut mise en circulation afin de préserver l’équilibre du nouveau système monétaire. Comme de fait, la facilité qu’il y avait pour un gouvernement a émettre de tels morceaux de papier à un faible coût finit par rendre irrésistible l’idée de mettre en circulation un nombre croissant de ces billets plutôt que de taxer directement la population. Le système tomba finalement de lui-même suite à une crise d’hyperinflation.

 

Invention des Banques

 

Au seizième siècle l’afflux d’or en provenance de l’Amérique enrichit beaucoup l’Espagne. Les pièces d’or deviennent plus grosses, plus lourdes et il est plus pratique de confier le surplus non utilisé a des orfèvres qui, en échange, signent une note attestant du montant placé en dépôt. L’orfèvre est donc un banquier qui peut, soit imposer des frais minimes pour assurer la protection de l’or, soit payer des intérêts s’il lui est permis légalement de prêter cet argent à ceux qui désirent l’emprunter. Notons que cet afflux d’or a un effet inflationniste,  mais moins que pour un système basé sur la monnaie fiduciaire. En effet comme l’or a une valeur marchande reconnue dans toute l’Europe, un commerçant qui doit faire face à une hausse de prix de ses fournisseurs locaux  peut ultimement se tourner vers des fournisseurs étrangers si l’écart de prix est suffisant pour compenser les frais de transport et de douane. Par contre si deux pays utilisent une monnaie fiat différente, la monnaie excédentaire crée (hormis celle affectée au remplacement des pièces usées ou celle qui compense un accroissement de la production) est génératrice d’inflation.  Pour acheter de fournisseurs étrangers il faudrait en effet payer ceux-ci dans leur propre devise, donc acheter au préalable des devises étrangères et ainsi faire grimper le prix de celles-ci, ce qui revient à déprécier sa propre monnaie et augmenter le coût des marchandises importées dans la devise locale.

 

Avec le temps il parut plus pratique d’effectuer de grosses transactions non pas avec de l’or mais avec les notes signées par l’orfèvre. Par exemple rien n’empêchait celui-ci de récupérer la note qu’il avait initialement émis, déduire la quantité d’or à transférer et écrire une note pour le nouveau détenteur. Mais il devint encore plus pratique d’écrire des notes ne portant pas le nom du détenteur. Ainsi les billets ou les lettres pouvaient s’échanger de mains en mains et l’orfèvre n’avait, en cas de réclamation, qu’a échanger l’or qu’il entreposait en échange du billet signé par celui-ci pour ‘le porteur’ (éventuel) de la note. Remettre plusieurs billets qui fractionnaient l’or déposé en petites quantités plutôt qu’un seul billet pour le poids réel total devint aussi plus pratique.

 

Ce système monétaire n’était cependant pas encore un système de monnaie fiat, mais on n’en était pas loin. Tout ce qu’il fallait pour traverser la ligne rouge, c’est une fraude. Un jour un orfèvre ne pu s’empêcher de constater que beaucoup de déposants ne réclamaient leur or à peu près jamais. La probabilité que tous le fassent en même temps devenait de plus en plus infime au fur et à mesure que le nombre de déposants augmentait. Il devenait trop facile pour l’orfèvre de fabriquer des notes certifiées valides pour ‘le porteur’ et d’écouler celles-ci. Encore une fois le procédé n’apportait rien a la richesse du pays ; il ne faisait que transférer une part de la richesse totale  vers celui qui avait le pouvoir de créer la monnaie. L’inflation se chargerait de diminuer le pouvoir d’achat du reste de la population.

 

Néanmoins cette fraude, basée sur un système de réserves d’or fractionnaires, avait plus de chance de durer que le système des assignats pendant la révolution française. Même si plusieurs paniques bancaires se produisirent au cours des siècles suivant, il était fort rare que beaucoup de gens viennent réclamer leur or en même temps. Il eut cependant des exceptions (comme en 1837 ou en 1907 aux Etats-Unis), mais généralement ces crises avaient un effet positif ; la simple crainte de voir tous les épargnants se présenter et redemander  leur or empêchait les banquiers les plus prudents d’émettre une trop grande quantité de billets. Lorsque les craintes des épargnants s’avéraient justifiées cependant, une sévère contraction de l’économie faisait suite au dégonflement des bulles spéculatives engendrées par cet afflux de ‘faux’ billets. L’économie des Etats-Unis connut néanmoins une expansion phénoménale pendant les décennies qui suivirent la guerre de sécession. Sur une échelle de 30 ans, les prix chutèrent de pratiquement 3% par an en moyenne alors que les salaires baissèrent de moins de 1%, un accroissement substantiel du pouvoir d’achat.

 

L'Echec des Monnaies Fiat 

 

Pendant la renaissance,  plusieurs souverains eurent recours au même stratagème que les empereurs romains pour financer leurs guerres, soit la dilution graduelle de l'or ou de l'argent contenu dans les pièces de monnaie, ce qui n'alla pas sans heurts puisque la pureté des pièces variait d'un royaume à l'autre. La refonte de pièces et la contrefaçon devint une activité florissante, a tel point que cette activité devint punissable de mort. Mais la  dilution du contenu en or ou en argent par un gouvernement comporte une certaine limite physique et peut souvent être détectable pour un oeil averti. En 1716 John Law convainquit la France d’utiliser une monnaie de papier et les taxes durent être payées avec celle-ci pour forcer le peuple à utiliser un système qui, autrement, éveillait trop la méfiance. Bien entendu l’impression excessive de cette monnaie  provoqua une crise financière qui mit fin au système.

 

 La France renoua avec l’hyperinflation (13,000% en 1795)  pendant la révolution et la période des assignats mais Napoléon mit fin à la crise avec le franc d’or.  Aux Etats-Unis les révolutionnaires utilisèrent leur propre monnaie fiat, le ‘continental’, qui s’effondra à son tour. Pendant la guerre de sécession les états du sud eurent leur propre monnaie fiat et, bien entendu, les crises inflationnistes associées. L’Angleterre détacha temporairement sa monnaie de l’étalon d’or en 1914.

 

On voit donc que les circonstances qui amènent un état à remplacer l’étalon d’or par une monnaie fiat sont toujours les mêmes, une crise de liquidités. L’effort de guerre nécessite des liquidités à tout prix et une taxe risque de provoquer la grogne. Une promesse de paiement différé est donc introduite ; le pays gagnant se promet bien d’imposer des réparations au pays perdant et de tenir, au moins partiellement, ses promesses une fois la victoire acquise. Cet afflux de liquidités provoque un boom de la production et alimente l’inflation mais l’impression de nouvelles liquidités permet au gouvernement de tenir le coup pendant un certain temps. A cause des pénuries de toutes sortes et du rationnement, plusieurs personnes vont parfois stocker la monnaie fiat plutôt que de la dépenser. Un tel phénomène s’est produit en Allemagne lors de la première guerre mondiale ; malgré l’utilisation d’une monnaie fiat l’inflation grimpa moins vite que l’augmentation de la masse monétaire. C’est après la guerre, lorsque la population sortit son argent des bas de laine, qu’une crise inflationniste majeure se produisit sous la république de Weimar en 1923. Les rentiers, les épargnants virent leurs économies s’évaporer à jamais.

 

La crise économique de 1929 et la dépression qui s’en suivit amenèrent un nombre croissant de pays à se détacher de l’étalon d’or et à adopter une monnaie fiat. Apres la deuxième guerre, un ré ancrage partiel sur l’or fut instauré (système de Bretten-Wood) et l'économie connut une phase de 25 ans relativement prospère marquée par un faible taux d'inflation et un accroissement réel du pouvoir d'achat de la classe moyenne. Depuis 1971 le monde fonctionne uniquement selon un système de monnaie fiat. Les précédents historiques montrent cependant qu’un tel système amène toujours un pays vers la faillite; ce qui varie c’est la durée pendant laquelle un gouvernement peut abuser de la crédulité des gens qui croient qu’un système comme celui-ci est nécessaire au bien être de tous.

 

L'avantage principal du système basé sur l'étalon d'or, c'est qu'il impose une plus grande discipline aux gouvernements, aux banquiers et aux entreprises. Puisque que les découvertes de nouveaux gisements d'or se font au compte goutte, l'argent en circulation n'augmente que faiblement. Les périodes de faible inflation succèdent aux périodes de faible déflation, ce qui n'encourage pas les consommateurs a s'endetter inutilement; l'emprunteur est pénalisé si les prix et les salaires chutent et que sa dette demeure la même. La stabilité des prix permet autant aux consommateurs qu'aux entreprises de planifier leurs besoins en minimisant les erreurs d'appréciation.

 

Cependant le système basé sur l'étalon d'or ne marchait que si un gouvernement appliquait les règles de base associées à celui-ci. Après la première guerre mondiale les banques n'échangeaient plus des billets contre leur équivalent en pièces d'or, seules les banques centrales échangeaient encore des lingots lors de grosses transactions (internationales surtout). La création de banques centrales voulait aussi dire que des pressions politiques (plutôt que les lois du marché) pouvaient dicter les taux d'intérêt en vigueur; si un gouvernement désirait stimuler l'activité économique pour augmenter ses recettes fiscales le meilleur moyen était d'obtenir une baisse des taux d'intérêt et de ne plus couvrir qu'une faible fraction de l'argent en circulation avec de l'or. Un gouvernement ou une banque centrale pouvaient facilement 'tricher' en émettant des bons a long terme a 5% d'intérêt pour attirer l'or de pays étrangers et émettre des billets ou favoriser le crédit en couvrant avec de l'or 'emprunté' par le biais de bons. Dans les années 20 la Réserve Fédérale américaine encouragea le crédit et un boom économique s'en suivit (ainsi qu'une bulle spéculative). Lorsque, au début des années 30, les pays étrangers voulurent rapatrier leur or pour couvrir leurs propres problèmes de liquidités la dépression frappa de plein fouet les Etats-Unis.

 

Dans l'ancien système, plus décentralisé, aucune banque centrale ne pouvait dicter les taux d'intérêt pour des raisons politiques. Certaines petites banques faisaient faillite, mais le jeu de la libre concurrence et la fragmentation du système lui donnait aussi une plus grande souplesse. Les banquiers sérieux qui voulaient survivre se devaient de limiter le crédit a des emprunteurs fiables.

Pour illustrer ceci, prenons l'exemple d'un banquier qui, au début du vingtième siècle, aurait reçu un dépôt de 1,000$ en or pur, soit 50 onces à l'époque. Le déposant aurait eu le choix entre repartir avec 50 billets de 20$ émis au nom de cette banque privée ou laisser son or dans un compte d'épargne. S'il laisse son argent dans le compte, le banquier peut tenter de trouver un emprunteur sur cette somme ou même une somme supérieure afin de payer les intérêts sur le compte dépôt. En prêtant la même somme, le taux de couverture en or pour les deux comptes combinés serait de 50%. Le banquier ne peut pas imprimer trop de billets et adopter une politique de crédit tout azimut puisqu'il a l'obligation de convertir ces nouveaux billets en or lorsque quelqu'un en fait la demande. Dans une banque moderne par contre, ce taux de couverture peut être de moins de 10% mais si la banque manque de billets une banque centrale peut toujours lui en acheminer; il n'y a aucune obligation de couvrir avec de l'or depuis plus de 80 ans.

 

Les paniques bancaires étant fort rares, peu de gens redemandaient leur or et une relative confiance dans la monnaie existait, et pour cause. Admettons que notre banquier veuille prendre des risques et décide de réduire son taux de couverture à moins de 10% au lieu des 40% habituellement en vigueur à l'époque. Avec un dépôt initial de 1,000$, il pourrait prêter 10,000$ en ouvrant un nouveau compte chèques et ainsi augmenter sa marge de profit sur les sommes prêtées. S'il verse 5% d'intérêt sur le dépôt de 1,000$ et charge 7% d'intérêt sur l'emprunt de 10,000$, son profit serait de 700-50=650$. Mais il y a un risque énorme à faire une telle chose. L'emprunteur pouvait parfaitement acheter pour 3,000$ de denrées chez un grossiste ayant un compte dans une autre banque, une banque concurrente. Cette banque accepte d'encaisser les billets portant le nom de la première banque, mais contrairement au barbier, au fermier ou a l'ouvrier, ce qu'elle veut c'est l'or qui se trouve derrière ces billets afin de monter sa propre pyramide. Au moment où un commis se présente pour les échanger le banquier trop téméraire qui avait émis ces billets pouvait, au mieux déclarer faillite, au pire se faire lyncher par les déposants qui apprenaient la nouvelle ou encore prendre le chemin de la prison s'il n'avait pas respecté le taux de couverture minimum requis par la loi.

 

Les taux d'intérêts étaient donc dictés par plusieurs facteurs, mais le taux de couverture était un facteur majeur. Un banquier qui voyait ce taux diminuer devait augmenter ses taux d'intérêt afin d'encourager les dépôts et de décourager les emprunts. Le désavantage est que certains projets risqués mais qui auraient pu être viables manquaient de financement, par contre l'orgie de crédit a la consommation qui s'est installée en occident depuis les années 1990 pouvait difficilement se produire.

 

Les déficits commerciaux chroniques ou permanents étaient aussi difficilement envisageables dans un système utilisant l'étalon d'or. Le pays déficitaire voyait sa masse monétaire fondre, une cause de déflation sur les prix, puis les salaires. Les produits de ce pays devenant soudainement plus compétitifs dans un pays voisin, un équilibre s'établissait. Le pays aux prises avec un excédent commercial ou un afflux de capitaux voyait aussi son taux d'inflation augmenter (donc le prix des produits exportés) ou ses taux d'intérêt baisser.

 

Parce que les gouvernements ne pouvaient créer de l'argent à volonté, il était nécessaire pour ceux-ci de gérer prudemment les finances de l'état afin que celui-ci reste solvable. Accumuler une dette monstrueuse et léguer celle-ci à la génération suivante était pratiquement impensable puisque les portes du crédit se fermaient. Dans un système de monnaie Fiat par contre, un gouvernement a une option ultime, imprimer de l'argent et appauvrir la population pour diluer sa dette. Cette ultime possibilité pousse des gouvernements à émettre des obligations et des bons pour financer leurs besoins grandissant à court terme (ce qui n'est pas encore inflationniste), falsifier les chiffres de l'inflation et remettre la question à plus tard.
 

Le système basé sur l'étalon d'or avait cependant ses faiblesses aussi. Puisque les périodes de déflation alternaient avec les périodes d'inflation l'existence d'un mouvement syndical fort, hostile aux baisses de salaires pouvait brouiller les cartes. Si un pays souffrait d'un déficit commercial il lui était possible de hausser ses taux d'intérêt (et donc de nuire à l'activité économique) afin d'attirer les capitaux ou encore laisser la déflation agir pour que ses produits deviennent plus compétitifs à l'étranger. La résistance forte à une baisse des salaires pouvait engendrer d'avantage de chômage et un rétablissement de la balance commerciale devenait de plus en plus difficile. La raréfaction de l'argent aidant, la déflation s'accentuait.

 

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